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Quel cadre juridique pour le jeu vidéo ?

4 mars 2016

En France, le jeu vidéo est la deuxième industrie culturelle après le secteur de l’édition et représente près de 35 millions de « gamers » réguliers. Ainsi, 67% des français considèrent aujourd’hui le jeu vidéo comme une nouvelle culture.

 Sur la place internationale, le studio français Ubisoft est le 3ème éditeur mondial dans ce secteur.

Le jeu vidéo s’est peu à peu démocratisé entrant dans tous les foyers français. En terme d’usage, il est présent partout et à tout moment puisqu’il se pratique de plus en plus sur les plateformes mobiles, comme les Smartphones (49%), les consoles portables (29%) et les tablettes (33%).

L’économie est de ce fait nécessairement impactée par le phénomène du jeu vidéo.  Face à cet essor, se pose la question de sa protection.

Le jeu vidéo est une œuvre protégée par le droit d’auteur (1) ; souvent de collaboration, il convient d’être vigilant quant à la répartition des droits d’auteur et en particulier en cas de création salariée (2).

Enfin, la création d’un jeu vidéo entrainant des coups de développement importants, son financement est souvent source de difficultés (3).

 1-      La protection distributive du jeu vidéo, œuvre de l’esprit

Le jeu vidéo est une œuvre de l’esprit, protégée par le droit d’auteur. La condition de protection à ce titre dépend de l’originalité de la création. L’originalité d’une création s’apprécie en fonction de l’empreinte de l’auteur.

Or, la protection au titre du droit d’auteur est accordée du seul fait de la création. En effet, aucune formalité préalable n’est nécessaire pour bénéficier de la protection.

Néanmoins, il est conseillé au créateur, à des fins probatoires, de protéger sa création notamment afin de prouver l’antériorité de ses droits.

Ainsi, concernant le jeu vidéo, un dépôt auprès de l’Agence de Protection des Programmes ou de Mapreuve.com permet de matérialiser le contenu de sa création et d’avoir une date certaine.

Un dépôt est également possible pour les éléments constituant le jeu vidéo auprès des sociétés d’auteur (SCAM, SACD, SNAC…).

Les éléments composant le jeu vidéo font l’objet d’une protection distributive[1]. Ainsi, les composantes du jeu vidéo se verront appliquer leur propre régime juridique conduisant de ce fait à une qualification et une protection distributive.

Ainsi, la partie logicielle du jeu vidéo sera protégée par le régime spécifique applicable aux logiciels.

Les auteurs devront satisfaire la condition de l’originalité de leur contribution au jeu vidéo pour se prévaloir de la protection par le droit d’auteur.

Dès lors que cette condition est remplie, la protection accordée à leur contribution dépendra de sa nature. A titre d’exemple, la musique insérée au jeu vidéo sera régie par le régime de protection des œuvres musicales, de sorte que l’auteur sera soumis à la gestion collective des œuvres musicales, ainsi qu’à leur mode de rémunération.

2-      La répartition des droits des créateurs

La jurisprudence privilégie à l’égard du jeu vidéo la qualification d’œuvre de collaboration.

L’œuvre de collaboration suppose que l’œuvre ait été créée par des personnes physiques qui ont joui d’une autonomie dans leurs apports créatifs.

En conséquence, l’œuvre de collaboration est la propriété commune des coauteurs qui doivent exercer leurs droits d’un commun accord. Toutes les problématiques liées à la propriété de l’œuvre devront respecter le régime de l’indivision. Ainsi, un accord unanime sera exigé pour toute exploitation de l’œuvre.

Seule exception, lorsque la participation des auteurs relève de genres différents, il est permis que chacun puisse exploiter séparément la contribution personnelle, sans toutefois porter atteinte à l’exploitation de l’œuvre commune.

Il convient donc d’être vigilant sur la répartition des droits entre les coauteurs. Il est possible d’envisager conventionnellement une répartition qui ne serait pas à parts égales mais qui, par exemple, respecterait la part des contributions de chacun.

En outre, la clause de cession et notamment le caractère exclusif ou partiel de la cession sur l’œuvre peut également être organisée par le biais d’une convention.

En cas de cession, il conviendra d’être particulièrement attentif à la rédaction de ladite clause qui répond à des conditions de validité strictes.

Enfin, le cas de la création salariée pose également des difficultés sur la répartition des droits et sur leur titularité.

Deux régimes peuvent être admis et dépendront du mode d’élaboration de l’œuvre.

Le régime de l’œuvre de collaboration, privilégiée par la jurisprudence, implique que, dans le cas où un studio de développement créerait un jeu vidéo avec ses salariés, il devrait obtenir d’eux la cession de droits d’auteur.

Une autre qualification est également reconnue en matière de jeux vidéo, celle de l’œuvre collective.

L’œuvre collective implique que les contributions réalisées par les salariés soient faites sous la direction et le contrôle de l’employeur par l’intermédiaire notamment d’un directeur de création.

Ainsi, dans ce cas précis, le studio de développement ne devrait pas établir de contrats de cession de droits d’auteur avec les divers contributeurs et serait titulaire des droits d’auteur du jeu vidéo, pris dans son ensemble.

En conséquence, dans le cas d’une œuvre collective, le salarié percevra une rémunération forfaitaire, c’est-à-dire un salaire indépendant de l’exploitation du jeu vidéo tandis qu’en cas d’œuvre de collaboration, la rémunération perçue sera proportionnelle au prix public d’achat conformément aux dispositions de l’article L.131-4 du Code de la propriété intellectuelle.

 3-      Le financement du jeu vidéo  

Le domaine du jeu vidéo est particulièrement dynamique en France. On constate que nombre des acteurs de ce secteur sont des jeunes sociétés créées par un groupe de jeunes entrepreneurs, parfois encore étudiants.

Or, pour se développer, les studios de création doivent trouver les financements suffisants. Une première solution permet aux jeunes sociétés de garder le contrôle de leur entreprise tout en offrant une réelle opportunité aux investisseurs extérieurs.

Le jeu vidéo peut ainsi être apporté au capital d’une société. Il peut l’être par le créateur, en tant que personne physique, qui sera imposé pour cet apport à l’impôt sur le revenu des personnes physiques (IRPP).

Lorsque le jeu est apporté par la société en création, la société rémunère alors en titres, l’imposition se fera alors sur la plus-value réalisée.

Il est donc opportun de prendre en compte cette différence de régime dès lors que financièrement, elle aura des conséquences.

Enfin, une entreprise de création de jeu vidéo peut bénéficier d’un crédit d’impôt pour la création d’un jeu agréé.

Elle devra d’abord effectuer une demande d’agrément auprès du Centre national du cinéma et de l’image animée, ouvrant droit au crédit d’impôt puis, dans un délai de 36 mois, adresser une demande d’agrément définitif.

Le crédit d’impôt, calculé chaque année, doit être égal à 20 % du montant total des dépenses affectées directement à la création du jeu vidéo, à savoir :

  •           les dotations aux amortissements des immobilisations crées ou acquises neuves (sauf les dotations aux amortissements des immeubles),
  •           rémunérations des auteurs,
  •           dépenses de personnel et charges sociales afférentes,
  •           dépenses de fonctionnement (fournitures, frais d’entretien, documentation, etc.),
  •           dépenses de sous-traitance (1 million d’euros maximum par an).

Le développement des jeux vidéo reçoit ainsi un encouragement par l’aide au financement.

Objet de toutes les attentions, le jeu vidéo bénéficie, par ailleurs, d’un cadre juridique allégé pour l’organisation de compétition grâce au projet de loi République numérique du 26 janvier 2016[2].

Source :

Blandine Poidevin,

Spécialiste des technologies de l’information et de la communication

Charlotte Riaud

Avocats

Cabinet Jurisexpert

www.jurisexpert.net



[1] C.cass. 1ère civ., 25 juin 2009, n°07-20.387, « CYRO »

[2] Article 42 du projet de loi pour une République numérique.

Auteur

Frédérick Warembourg