Actualité

Le recours au télétravail : Nécessité d’un avenant au contrat

23 janvier 2012

par Blandine Poidevin, Avocat, Jurisexpert

Le Ministère de l’Economie Numérique a lancé une étude dressant un état des lieux du télétravail courant 2011.

Selon l’étude réalisée par le Centre de l’Analyste Stratégique (CAS), le travail à domicile ne concernerait en France que 7% des salariés contre 20% dans les pays d’Europe du Nord et 1% seulement des agents de la fonction publique.

Le télétravail serait pratiqué par 22% des entreprises françaises, dont la moitié dans le secteur des services des TIC et/ou financiers.

Le télétravail doit faire l’objet d’une clause particulière dans le contrat de travail, mais cet avenant n’est prévu que dans 22% des cas.

Par exemple, la société Alcatel-Lucent a recours pour 30% des salariés à temps partiel au télétravail.

De même, le télétravail est classé en tête des souhaits émis par les salariés ayant des enfants pour concilier vie professionnelle et vie familiale.

On entend par « télétravail », une forme d’organisation ou de réalisation du travail utilisant une technologie de l’information dans le cadre d’un contrat de travail et dans laquelle un travail qui aurait également pu être réalisé dans les locaux d’un employeur, est effectué hors de ces locaux de façon régulière.

Le télétravail suppose, ainsi un caractère subordonné un caractère matériel consistant en la remise de moyens technologiques par l’employeur, un caractère pérenne et un lieu géographique précis.

Ce caractère pérenne exclut toute situation exceptionnelle, telle qu’un enfant malade, un handicap occasionnel, etc.

De même, est exclu de la définition du télétravail, le travail à domicile qui ne répond pas à ces conditions.

Le recours au télétravail revêt nécessairement un caractère volontaire.

Le télétravail est encadré par l’accord national interprofessionnel du 19 juillet 2005.

De même, un projet de loi a été adopté par l’Assemblée Nationale le 9 juin 2009.

Ce caractère volontaire nécessite que le recours au télétravail fasse l’objet d’un avenant au contrat de travail.

Le salarié peut refuser et ce refus ne peut, en soi, être un motif de rupture du contrat de travail.

L’avenant au contrat de travail précisera un certain nombre de points, tels que les conditions pratiques d’exécution du télétravail. Il s’agira de déterminer notamment les plages horaires, la précision des caractéristiques du logement du salarié. Il s’agira également de prévoir une autorisation de visite pour l’employeur, le salarié sera responsabilisé, notamment il aura pour obligation de signaler toute dégradation de son domicile, de répondre éventuellement à un cahier des charges des locaux.

L’avenant précisera également la ventilation des dépenses en termes d’accès Internet, de téléphone, d’assurance, etc.

L’avenant pourra également prévoir une indemnisation d’occupation des locaux si le télétravail se fait sur demande de l’employeur.

Ainsi, la Cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 6 octobre 2011, a considéré que « le manquement de l’employeur qui n’a pas proposé à Daniel PICORE un avenant à son contrat de travail en juillet 1994, est constitutif d’une faute qui a occasionné à Daniel PICORE un préjudice tout à la fois matériel dès qu’il a été contraint d’aménagé un espace dédié à cette fin à son domicile et moral, sa vie professionnelle empiétant nécessairement sur sa vie privée (appels téléphoniques notamment) ».

Il est conseillé de recourir à une période d’adaptation aménagée.

Le recours au télétravail fait l’objet d’un double consentement, d’un consentement pour y avoir recours et pour y mettre fin et organiser le retour du salarié.

Les modalités de cette réversibilité doivent également être précisées dans l’avenant.

Le salarié télétravailleur bénéficie d’une priorité d’accès à tout poste vacant dans l’entreprise correspondant à sa qualification.

Il appartient à l’employeur de respecter la vie privée du salariée, de ne pas s’immiscer dans celle-ci. A ce titre, il doit fixer des plages horaires durant lesquelles il peut les contacter.

Il lui appartient également de respecter le droit des données personnelles, notamment en matière de contrôle de l’activité des salariés.

S’agissant des frais, l’employeur doit fournir, installer et installer les équipements nécessaires au télétravail.

Les frais pris en charge par l’employeur, tels que les communications téléphoniques sont exclues de l’assiette des cotisations.

De même, il appartient à l’employeur de s’assurer du respect des conditions de santé et de sécurité de travail du télétravailleur.

Il s’agit, notamment, de vérifier ou de s’assurer que le salarié est bien informé des règles relatives, par exemple, à l’utilisation des écrans de visualisation, qu’il dispose à son domicile d’extincteurs, etc.

Certains employeurs ont, à ce titre, privilégié la fourniture d’un poste de travail global, incluant le bureau, la chaise, etc.

Si le télétravailleur dispose d’une plus grande liberté dans l’organisation de son temps de travail, la charge de travail, les normes de production, les critères de résultat doivent équivalents à ceux des salariés en situation comparable.

Le contrôle de l’employeur se fera par l’enregistrement automatique, les agendas communs, les appels téléphoniques, le décompte du temps de connexion ; l’ensemble de ces éléments restant assujettis au droit des données personnelles.

Le projet de loi précité rappelle que le contrat de travail, ou son avenant, doit préciser les modalités de contrôle du temps de travail .

Il sera important, pour l’employeur, de former les télétravailleurs aux équipements techniques à leur disposition, à l’organisation particulière de ces modes de travail.

En matière d’accident du travail, l’accident au domicile sera présumé d’origine professionnelle s’il a lieu pendant les plages horaires pendant lesquelles le télétravailleur est soumis à l’autorité et à la surveillance de l’employeur.

Les accidents qui surviendraient au télétravailleur peuvent être source d’un contentieux abondant.

C’est donc selon les circonstances décrites que la nature de l’accident de travail pourra être déterminée.

Néanmoins, la précision de l’avenant peut être essentielle. De même, en cas de non respect des obligations d’information, outre l’amende à laquelle peut être assujetti l’employeur, il s’expose également à la reconnaissance d’une faute inexcusable en cas d’accident ou de maladie à caractère professionnel.

Enfin, le CHSCT et l’Inspection du Travail dispose des mêmes droits de visite du lieu de travail que l’employeur.

Blandine POIDEVIN
Avocat

Cabinet Jurisexpert
Chargée d’enseignement
en droit du commerce électronique.

Projet. Nouvel article L1222-9 du Code du travail

http://www.jurisexpert.net/

Auteur